Israël ou la boucle traumatique

Le dictionnaire Antidote définit personne : « Être humain, individu, homme ou femme. » C’est un peu abstrait. Dans les faits, chaque jour, je croise des personnes et la question qui m’importe : dois-je fuir ou m’approcher? Chaque personne que j’ai croisée dans ma vie a joué un rôle à cet égard : certaines ont augmenté mon réservoir de confiance, d’autres l’ont diminué. Pour le moment, globalement, je suis confortable en marchant dans la rue. Le dictionnaire Antidote définit peuple : « ensemble d’êtres humains appartenant à une même culture ». C’est un peu vague! Dans les faits, la question est simple : lorsque je descends d’avion pour m’insérer dans un peuple, dois-je me refermer, serrer les dents ou faire confiance? Je n’ai pas beaucoup voyagé, sinon en Europe. Les Français, les Suisses, les Allemands que j’ai croisés se sont montrés gentils, quelques-uns un peu brusques et pressés, aucun ne m’a sérieusement inquiété. Je suis confortable en Europe.

Je dois le dire, j’ai perdu cette confiance vis-à-vis du peuple d’Israël et pas à cause des Juifs que j’ai croisés dans ma vie, je n’ai vécu aucune expériences négative. Mais les membres qui gouvernent ce peuple actuellement, ceux que je vois ou que j’entends dans les reportages, me font frémir. Je n’aimerais pas descendre à Tel-Aviv, même dans un grand hôtel. Je me sentirais tout de suite en devoir de désapprouver, ou même de crier : « Arrêtez, Dieu du ciel, arrêtez! »

Peinture de Michel Casavant

Je me dis qu’un capital de confiance prend du temps à produire le plaisir de serrer une main, mais, il suffit de quelques personnes au gouvernail pour entraîner une partie importante d’un peuple dans un délire, dont il prendra des siècles à se relever. Reprenons la définition de peuple : un ensemble de personnes unies par une culture. Par cette culture, le peuple peut évoluer, s’adapter, s’harmoniser avec la nature et avec les autres peuples, mais cette culture peut aussi jouer le rôle de liant et entraîner une masse importante vers un délire paranoïaque collectif qui a souvent des bases réelles, des traumatismes historiques évidents, mais justement, cela rend le peuple vulnérable au délire collectif. Il suffit de tourner le fer dans le trauma et s’en servir comme énergie de vengeance. Le mal est fait. Quel psychiatre de peuples, pourrait bien débarquer à Tel-Aviv, et avec quelle équipe et quels médicaments, pour arrêter ce carnage dont Israël est la première victime et soigner cette blessure séculaire? Il y a des manières de gagner une guerre, et qui font tout perdre.

J’ai travaillé longtemps auprès des enfants de la protection le la jeunesse, les pires traumas que j’ai pu voir sont des boucles traumatiques. Je pense à un jeune homme nouvellement père, il a été systématiquement torturé par son père de sa petite enfance à son adolescence, traité pire qu’un chien, jusqu’à l’obliger à manger les excréments de son père, et là, il a un enfant dans ses bras, son enfant. Il a tellement peur de lui infliger ce qu’il a subi qu’il lutte contre lui-même jusqu’à l’obsession et l’épuisement. Un jour, il cède à une colère qui justement vient de son enfance, et il frappe son petit. Voilà une boucle traumatique : se voir devenir semblable à celui qui nous a fait tant de mal. Heureusement, il n’a pas désespéré de lui-même. Il s’est fait soigner, et c’est aujourd’hui un bon père, il sait se gouverner.

Qui délivrera Israël de la souffrance qu’il a subie et de celle qu’il inflige? Qui rétablira un lien de confiance pour que nous puissions, de nouveau, avoir du plaisir à commercer avec ce peuple, à le visiter, à considérer sa culture comme une grande culture?

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