Haïkus

J’ai reçu un merveilleux petit cadeau de Noël que je voudrais vous partager.

Il s’agit de haïkus d’André Boyd

Il les a écrits en pensant à moi, dit-il.

Mais rien n’est évidemment plus universel que « moi »!

Le sous-bois

Dessin de Pierre Lussier

une main dans la terre
l’autre dans les étoiles
il mesure l’âme du monde

 

les ailes du papillon
brassent l’air
dans son cerveau

 

il connecte
la terre aux étoiles
une herbe pousse

 

quelques poules
s’épatent
de son silence

 

il s’accroche
la nature humaine
d’une deuxième peau

 

il est là
comme toujours
sans te connaître

 

il écrit
le souffle du vent
te parle à l’oreille

 

au hasard du vent
il parcourt l’histoire du monde
allongé dans son rêve

 

l’horizon en fuite
une poussée vigoureuse
vers la brumeuse inconnue

 

entre la lenteur de la terre
et la vitesse de la lumière
son bonheur

 

alimenté
le soleil traverse l’espace
parle avec les plantes

 

il regarde le ciel
les nuages vagabonds
qu’en est-il après

 

le regard vers la terre
la poussière l’accompagne
comme une étoile

 

ses yeux
comme le cri des corneilles
attentifs à tout

 

il réfléchit et
une corneille laisse tomber
sa crotte sur un sapin

 

à midi son ombre
oubliée dans la cuisine
le cherche

 

pleine de vigueur
l’étrange solution
du groupe

 

a perte de vue
savourant
l’espace entre ses côtes

 

J’en profite pour vous dire je lancerai  Se soigner du cancer sans se faire tuer  dimanche, le 19 janvier à 14 heures à la Librairie Pauline, 2653, rue Masson (angle 2e Avenue), Montréal.

 

Douzième et dernier extrait de la conférence de Prigogine, Temps à devenir

« Dans cette conception [où le temps est irréversible puisqu’il implique la complexité, des probabilités, la désorganisation et l’organisation], le futur de l’univers est quelque chose d’essentiellement incertain [tout comme le passé a été incertain]. L’univers commence par une énorme instabilité. Dans le livre de Hawking, on ne nous donne que le choix entre différentes morts : la mort par refroidissement, suite de l’expansion spatiale. L’autre forme de mort, c’est la contraction et une température énorme qui vont tuer toute organisation. Ces prédictions sont tout aussi incertaines que les prédictions que je pourrais vous faire en parlant du monde humain tel qu’il sera dans mille ans!

Prigogine

« Le monde n’est pas comme une pomme tombée d’un arbre et qui ne peut que pourrir. Le monde reste attaché à l’arbre qui l’a produit et nous ne savons pas quel sera le futur de l’univers. Les prédictions de mort qui se trouvent presque dans tous les livres de cosmologie sont des croyances et surtout la croyance en la certitude.

« Il est temps de conclure en disant que l’existence de la flèche du temps, que nous rencontrons aujourd’hui à tous les niveaux de la physique et de la chimie, indique que les lois de la physique ne peuvent pas correspondre à la certitude en la symétrie entre futur et passé [que suppose la prévision de la trajectoire de l’univers]. Au lieu d’exprimer ce qui est certain, ces nouvelles lois expriment ce qui est possible. Au début de l’univers, l’univers était comme un enfant, un enfant qui peut devenir un dentiste, un chauffeur de taxi, un joaillier, un avocat, mais pas tout à la fois.

« Ainsi, l’univers « devient ». Comme l’homme, la nature devient. La position de la Lune, demain à sept heures, n’est pas un événement parce qu’elle est déjà déterminée par les Lois de Newton aujourd’hui; mais la rencontre de ce soir est un événement qui pouvait se produire et qui pouvait ne pas se produire. La nouvelle formulation des lois de la nature rend possibles des événements. Et c’est ce mélange d’événements et de régularités qui est caractéristique de l’univers; et j’ai toujours pensé qu’un modèle de l’univers, c’est peut-être une fugue de Bach ou une sonate de Mozart. Dans une sonate de Mozart, vous avez des règles. Mais les règles ne suffisent pas. Il y a des événements inattendus. Il y a quelque chose qui dépasse les règles et c’est cela qui caractérise l’œuvre d’art. J’ai essayé de vous expliquer la manière dont il me semble qu’on peut voir aujourd’hui l’univers.

« Nous ne sommes pas sur le point d’aboutir à ces théories liées qu’on pourrait résumer dans une seule équation. Pourtant c’est là une idée qui est très fréquente aujourd’hui: voyez le livre de St Weinberg, Dreams of a Final Theory, ou le livre de L. Lederman, God’s Particule. Je crois au contraire que nous sommes au début d’une nouvelle aventure de la raison, au début d’une science qui permet d’éviter l’aliénation issue du dualisme cartésien.

« Dans cette perspective, il y a beaucoup de futurs, le futur n’est pas donné, le futur est une des possibilités impliquées par le présent. Ainsi, comme l’avait si joliment écrit Valéry, « le futur devient construction », et c’est une construction à laquelle chacun de nous peut participer. Merci! »

 

Dans la situation climatique où nous sommes, cela veut dire que nous avons probablement poussé le système climatique loin de l’équilibre et engendré une situation chaologique globale. La grande difficulté pour les générations animales et humaines qui devront assumer les conséquences de nos actions sera sans doute l’adaptation à des changements très rapides qui peuvent aller dans plusieurs directions différentes. Et dès maintenant, la conscience n’a pas joué son dernier mot puisque les réactions de déni et les réactions de changement vont probablement se polariser : il peut s’en suivre des changements rapides dans le pire comme dans le meilleur. Cependant, la vie a forcément une longueur d’avance sur la mort et la conscience, une coudée d’avance sur la bêtise, alors comme dans certaines tragédies, la chute et la montée pourraient se croiser dans l’escalier des valeurs.

Onzième extrait de la conférence de Prigogine, Temps à devenir

De manière plus précise, Poincaré a montré que la non-intégrabilité était due à des phénomènes de résonnance qui conduisent alors à des divergences. Le détail n’a pas d’importance, mais ce qui est intéressant, c’est que les résultats de Poincaré ont montré que les équations de Newton n’étaient pas suffisantes pour résoudre un problème dynamique [l’horizon de prédictibilité de Liapounov est limité]. Que même si vous avez les équations, les solutions restent ambiguës [au-delà de l’horizon de Liapounov, les solutions sont multiples]. C’est dans de tels systèmes que s’introduisent les notions de probabilité et donc d’irréversibilité [dès qu’il y a probabilité, comme lorsqu’on joue aux dés, un résultat, par exemple obtenir un 2, ne permet pas de revenir aux causes puisque les mêmes causes peuvent entraîner des résultats différents].

Liapounov

« [Lorsqu’il y a irréversibilité, le temps est orienté dans une direction, il y a une flèche du temps] par exemple, si je considère le verre d’eau qui est devant moi, je puis me poser la question: dans quel sens le verre d’eau vieillit-il [se désorganise-t-il pour engendrer des réorganisations]? Les molécules d’eau ne vieillissent sûrement pas à l’échelle du temps qui m’intéresse. Mais les molécules se rencontrent, créent des corrélations, les corrélations doubles deviennent des corrélations triples et ainsi de suite. Cela continue indéfiniment. Il y a un flux de corrélations. Il y a donc des phénomènes ordonnés dans le temps qui se passent dans ce système. Par des simulations numériques, vous pouvez voir comment apparaissent les corrélations binaires, les corrélations ternaires, des corrélations impliquant de plus en plus de particules. C’est un peu comme deux personnes qui se rencontrent et qui se parlent. Une fois qu’elles ont parlé, il reste quelque chose, même quand elles s’en vont, le message se répand. Chacun de nous est au centre d’un réseau de « corrélations ». Une fois que vous dépassez les systèmes simples, les systèmes répétitifs, comme le pendule ou le mouvement périodique de la Terre autour du Soleil, vous arrivez à des situations dans lesquelles il n’y a plus de certitude, mais des situations dans lesquelles il y a une flèche du temps. Alors, la perspective devient tout à fait différente. Et l’idée qu’on peut se faire de la cosmologie est aussi tout à fait différente [la mort, c’est-à-dire la désorganisation d’un système, par exemple, n’est plus une certitude].

« La tentative de Hawking était, comme je le disais, de spatialiser le temps. Mais on peut voir les choses d’une manière tout à fait différente. On peut plutôt essayer de temporaliser l’espace, de voir quels sont les phénomènes irréversibles qui peuvent donner naissance à l’espace-temps. C’est la direction dans laquelle nous avons travaillé. L’idée, finalement, c’est qu’il faut regarder ce qui se passe aujourd’hui, étudier les phénomènes irréversibles qui se passent aujourd’hui pour comprendre par exemple comment le phénomène irréversible fondamental au début de l’univers a peut-être pu se passer. Évidemment, il y a des circonstances particulières.

« C’est peut-être le phénomène le plus irréversible qui soit parce qu’enfin comment pouvons-nous imaginer le début de l’univers? Un aspect essentiel est le passage de particules virtuelles à des particules réelles. Dans le livre de Hawking, vous avez vu ce que sont les particules « virtuelles » [par exemple, à chaque infime fraction de seconde une particule de matière et une particule d’antimatière se séparent puis refusionnent pour disparaître dans l’espace-temps]. Les particules virtuelles sont des particules qui se créent par paires, qui vivent un certain temps et puis se recombinent par suite du principe d’incertitude d’Heisenberg [le principe d’incertitude désigne toute inégalité mathématique (par exemple la position d’un objet et sa vitesse] affirmant qu’il existe une limite fondamentale à la précision à partir de laquelle il est impossible de connaître simultanément deux inégalités]. Les particules « réelles », au contraire, présentent un caractère d’indépendance (évidemment relative). Donc, la création de l’univers correspond avant tout à une création de « possibilités » [plutôt qu’à une création de choses ou d’objets indépendants les uns des autres], créant à la fois des phénomènes désordonnés et en même temps des phénomènes hautement organisés.

« Les phénomènes irréversibles ont toujours ces deux aspects, la tendance vers le désordre et la tendance vers l’ordre. Et nous trouvons ces deux aspects dans l’univers. Nous trouvons à la fois le fameux rayonnement résiduel qui contient du désordonné et en même temps les particules élémentaires, tel le proton, qui sont comme des forteresses qui ont été construites pour durer. François Jacob s’est demandé quel est le rêve d’une cellule biologique: c’est de se multiplier. Quel est le rêve d’une particule élémentaire? C’est probablement de durer. Mais pour durer, il faut des structures extraordinairement complexes dont la complexité est comparable à la complexité des molécules biologiques. Ce double aspect de désordre et d’ordre apparaît dès le début de l’univers. [Un atome très simple comme l’hydrogène est simple et stable parce qu’il est très complexe.]

Donc le prix de l’univers, c’est un prix entropique [un désordre progressif. Mais le gain, c’est l’ordre évolutif]. Je vous ai parlé tantôt de phénomènes qui se produisent loin de l’équilibre. À un certain moment, des tourbillons ou des horloges chimiques se produisent. Évidemment, l’énergie est conservée. Il n’y a pas de violation de la conservation de l’énergie, mais il y a un prix entropique, l’entropie augmente [mais aussi, on remarque des gains de complexification]. Ainsi, matière et entropie sont des concepts étroitement liés. »

 

Cela signifie, entre autres, que le passé, je veux dire l’ensemble de toutes les traces que le passé a laissées sur la réalité actuelle ne peut pas être déroulé comme si le film suivait un scénario unique. Oui, il y a un seul passé réalisé, mais on ne peut pas déduire pour autant qu’il était unilatéralement déterminé par des causes. Comme lorsqu’on joue aux dés, une fois le jeu terminé on décrit une série unique de résultats, et pourtant, il y a bien eu plusieurs passés possibles. Les jeux n’étaient pas faits. Au contraire, tout concourait à multiplier les possibilités. Le fait que le passé soit unique dans les traces de la réalité actuelle ne dit pas qu’il était unique au moment où il se jouait. Cette idée de l’unicité du passé est une illusion qui se construit à mesure que le temps passe et qu’il est retenu dans des traces que l’on appelle « mémoire ». Je ne parle pas ici de la mémoire psychologique des cerveaux, je parle des traces du passage du temps sur les ondes lumineuses, les ondes gravitationnelles, les relations entre les éléments, l’état de la matière, l’état des roches, etc.