On ridiculise facilement le bonheur, mais on le fait en parlant du rêve impossible où tout servirait à répondre à nos supposés désirs. Imaginez qu’une machine réponde à tous nos désirs, et que cela nous rende heureux, est effectivement ridicule et même littéralement désastreux. C’est la piste de la consommation, et qui l’a tenté a découvert le traquenard : l’espèce de haut-le-cœur qui ne trompe pas. Le secret du bonheur se trouve sur une autre piste, le bonheur n’arrive que lorsqu’on se délivre du piège de la consommation.
Car le rêve ridicule dans lequel nous sommes plongés consiste justement à imaginer que nous sommes une sorte d’animal qui sait ce qu’il désire et qui sait comment y répondre. Mais ce n’est pas le cas. Nous sommes plutôt la victime d’une programmation, nous sommes devenu un animal qui croitconnaître ses désirs, mais ayant perdu contact avec lui-même et contact avec le réel devient comme une roue qui ne touche plus ni à l’intérieur ni à l’extérieur; alors la roue s’emballe, tourne à vide de plus en plus vite jusqu’à ce que le moyeu surchauffe et broie les entrailles. Ça, c’est le cauchemar : tenter de se remplir de ce qui nous vide.
Le bonheur consiste à sortir de ce rêve cauchemardesque et prendre la clef des champs pour voir qui je suis, quand je suis dans la réalité.
Encore là, on rira du mot « réalité », on s’exclamera : « Qu’est-ce que la réalité? » Ma réponse est simple : à la différence d’un camion virtuel, un camion réel peut tuer d’un coup un être qui n’a pas sept points de vie en avance; à la différence d’une patate virtuelle, une patate réelle ne vous laissera pas mourir de faim. À la différence d’un désir imaginé, un désir réel ne vous laisse pas dans le vide : la soif vous conduit à l’eau, la faim vous conduit à la nourriture, la solitude vous conduit à la rencontre, la rencontre vous conduit à l’amour, et vous vivez. Car on ne se connaît qu’en rencontrant un inconnu, et on aime que suite à une rencontre, et on est, du verbe « sentir son être », que lorsqu’on aime.
Le secret du bonheur est simple : sortir d’un mauvais rêve dans lequel notre moi véritable est prisonnier d’un nombril programmé pour entreprendre le chemin menant à la mer, et là, enfin arrivés sur la plage, laisser nos yeux, nos oreilles, notre nez, notre peau prendre racine. C’est pitié de voir tant de gens partir en vacance, sortir du travail en espérant arriver à la mer, mais ils n’y arrivent jamais, ils retournent avec des photos qu’ils ne regarderont même pas.
Le seul guide dont nous disposons pour faire la révolution écosociale, c’est notre bonheur.