Le fruit de la révolution écosociale

Comment cela se passera-t-il? Quelles transformations surviendront?

L’être humain ne trouve pas de solution tant que le problème n’est pas affectif, c’est-à-dire tant qu’il ne l’affecte pas gravement et personnellement, le plaçant, non seulement en danger de mort, mais surtout en danger de vie, en danger de vivre pleinement, consciemment, fraternellement, ou si voulez, en danger de bonheur. Le bonheur, sa grande peur, parce qu’il suppose l’épanouissement de tout son être y compris le gouffre de potentialités qui nous habite tous et qui peut nous transformer en sages ou en fous.

Arbre unique fusain

Dessin de Pierre Lussier

Et lorsqu’il est ainsi en danger de bonheur, d’harmonie, en danger d’épanouissement et donc en danger de chute, il a tendance à paniquer comme lorsqu’on ressent que tout peut changer dans notre vie pour le pire ou pour le meilleur. S’il tombe en état de panique, l’être humain n’examinera pas son esprit, au contraire, il le fuira et le combattra jusqu’au bout, il prendra des mesures pour continuer son entreprise de destruction jusqu’à la fin. Par la panique, il perd toute capacité de réfléchir. Mais plus il paniquera, plus il exercera une pression qui en réveillera d’autres. D’où s’en suivra une très forte et très dangereuse polarisation.

Si on parle de l’urgence climatique, pour le pire, les uns miseront sur les villes intelligentes, la migration du réel dans le virtuel, les robots écologiques, ils se rendront eux-mêmes inutiles et obsolètes, ils voudront déménager sur Mars ou disparaître…  Tout, sauf entrer dans la vie écologique, car c’est là et là seulement qu’ils pourraient être heureux. Les autres achèteront le plus gros pick-up, un tout terrain, une hache, une mitraillette, des grenades pour tenir jusqu’à la fin des temps.

Cependant, le meilleur surgit toujours et l’emporte, une partie de plus en plus significative de la population n’ira ni dans vers le mirage du pire ni vers le mirage du techno, elle se remettra en question, se demandera : « Qu’est-ce que vivre? Qu’est-ce qu’aimer? Comment se rencontrer soi-même et les autres? Comment rencontrer cette nature qui nous a fait et dont nous dépendons? Comment vivre ensemble, avec la communauté de tous les vivants, sur cette planète vivante? » En eux se développera le goût de l’épanouissement de soi, des autres, de la nature, le goût de l’aventure écologique.

Cette voie n’est justement pas une route, ni un sentier, ni une bifurcation, mais un chantier, une découverte, une relation créatrice et participative avec l’arbre de vie.

Il y aura assurément un nouveau monde, une nouvelle façon de fleurir, car la conscience ne nous quittera jamais puisqu’elle est la vie en marche. Mais comme toujours, cette révolution sortira de la contradiction. Il ne s’agit pas de la prévoir, elle est imprévisible, il s’agit de la réaliser, non pas en s’agitant comme une poule à qui on a coupé la tête, mais comme des personnes abasourdies après un cauchemar et qui reprennent leurs esprits.

Pourquoi je dis que cela arrivera : parce que la conscience est constitutive de la vie. J’ai développé ce point dans l’Écologie de la conscience (Liber, 2013).

L’humanité entre dans sa première révolution. La révolution néolithique qui a mené aux peuples conquérants n’était pas une révolution, mais un clivage entre l’individu et la société, un clivage interne à chaque société et entre les sociétés, et surtout un clivage entre les sociétés et la nature. S’en est suivie une grande histoire de massacres et de conquêtes, de désertification, de génocides et de désolations. À l’intérieur de cette histoire, combien de révolutions ont avorté ne réussissant pas à former une humanité unifiée et harmonisée avec la nature. Sans doute était-ce notre « évolution » à l’intérieur d’un grand courant dévolutif vers la mésadaptation de notre espèce, mais aujourd’hui, le soleil s’acharnera de l’intérieur et de l’extérieur pour allumer notre conscience et transformer cette bête affolée que nous avons été en humanité écocivilisée, il ne relâchera pas sa lumière et sa chaleur, car il tient à nous bien plus que nous tenons à nous-mêmes.

 

À Sageterre, le projet Égo-éco prépare cette révolution écosociale : https://www.egoeco.ca/philosophie