Les GAFAM, une schizophrénie volontaire

Nous avons dit précédemment que les GAFAM (Google, Appel, Facebook (Méta), Amazon, Microsoft) ont réussi le tour de force d’élever au-dessus du pouvoir des États (démocratiques ou dictatoriaux, qu’importe) une puissance mondiale de manipulation des comportements de consommation, de polarisation sociale, d’orientation politique, de regroupement en tribus fermées… L’essentiel vient de l’illusion de décider (micro décisions) et de la volupté de se laisser capturer par des stimulus visuels dans une machine à nous programmer. Le plaisir de se laisser décider par des clics impulsifs et l’errance mentale.

Leurs chiffres d’affaires dépassent déjà 10 000 milliards de dollars américains (6 fois le PIB du Canada). De semblables puissances couvrent la Chine, d’autres, la Russie, séquestrant le monde en trois plaques apparemment indépendantes entre elles, mais fondées sur le même pouvoir suprême de manipulation.

Edvard Munch, 1893

Les nations ne sont plus qu’un rêve. Oui, les pouvoirs nationaux se servent de ces superpuissances structurantes pour leur propre contrôle social, mais pour s’en servir, ils doivent les nourrir. Oui, les pouvoirs nationaux achètent des données, mais eux, les GAFAM de ce monde, les recueillent, les contrôlent, les vendent.

À vue d’œil, il est trop tard, le parasite a conquis les empires d’Occident, du Moyen-Orient et d’Orient. Non seulement il ne nous sauvera pas du drame écologique, mais il nous y précipite. Déjà le groupe GAFAM à lui seul produit 4% des gaz à effet de serre, et il devrait atteindre 8% dans peu de temps nous disent les experts. Mais surtout, l’ensemble de ces groupes de géants nous emprisonnent dans deux grandes illusions : la démocratisation des opinions et la libération de la réalité (pour nous faire oublier les conséquences). Le salut par le Métavers (l’univers virtuel en 3-D). Disparaître dans la planète imaginaire d’un riche illuminé. C’est comme sentir le gaz propane et ensuite, se mettre des lunettes de « réalité augmentée » pour éviter l’explosion! Une schizophrénie volontaire.

Essayez de transmettre des textes de fonds, des informations solides, des questions qui éveillent la conscience à travers le web, et vous verrez jusqu’à quel point le web est séquestré par des algorithmes d’abêtissement.

Pourtant la conscience finira par transcender la manipulation de masse, parce qu’elle apporte une joie mille fois au-dessus du plaisir de la soumission et de l’errance, la joie d’être présent et de se sentir réel. Une fois les pieds dans le réel, on peut se servir du web pour communiquer.

La volupté de la soumission

Nos démocraties représentatives démontrent à elles seules qu’il faut beaucoup moins de meneurs que de suiveurs (exemple, au Québec, 64000 de population pour un député). Pourquoi? 

Je pense que la volupté de la soumission est plus grande que celle de la domination. La soumission est un bonbon en soi, c’est ensuite que le dominateur utilise cette « passion ». 

S’abandonner à une impulsion, une sensation, un psychotrope, une distraction, n’est-ce pas l’essence du plaisir! Le plaisir n’est-il pas une certaine soumission! Déjà notre famille nous a appris qu’il est plus facile et plus doux de se soumettre que de se rebeller, la récompense affective vaut mieux que la punition. Les religions ont su cultiver le plaisir de la soumission, de l’adoration, et même du sacrifice au « Maître des cieux ». Et puis, c’est un énorme défi que de lutter contre des conditionnements et tellement plus agréable de s’y soumettre. S’ajoute la volupté d’appartenir à un groupe, à une foule, à un peuple. La joie est réservée à celles et ceux qui montent la montagne de leurs aspirations souvent à contre-sens des chemins très fréquentés. Le plaisir est pour la descente dans le sillon des impulsions ou des conditionnements, le résultat d’une certaine suspension de notre conscience, de notre sens critique et de notre volonté. Au fond, c’est pour canaliser sur lui tout ce plaisir du laisser-aller que les « Césars » s’autoproclament chefs. L’homme dominateur est au fond le « supra-soumis » à ses propres impulsions, aux forces de son inconscience et même, à ses perversions violentes. Il incite à glisser en bas dans son toboggan.

Photo de Frédéric Lesmerises

Évidemment s’ajoute à cette volupté de la soumission, la peur du rejet. Le loup qui veut quitter la meute doit faire face à la forêt, trouver seul sa nourriture, affronter tous les dangers… La plupart du temps, c’est la meute elle-même qui risque de l’attaquer. L’angoisse séculaire de la solitude nous refoule dans la sphère du contrôle social.

Dans cette glissade du plaisir et de la lâcheté, il arrive un moment où on se sait manipulé. Évidemment, on ne se l’avoue pas, mais on goûte la volupté de ne pas décider. Acheter en faisant du lèche-vitrine, ou après avoir surfé sur le web fait partie de cet abandon. En gros, pour la classe qui a une marge de manœuvre au-dessus des besoins essentiels, acheter est un acte de soumission.

Les GAFAM (Google, Appel, Facebook (Méta), Amazon, Microsoft) ont réussi le tour de force d’élever au-dessus du pouvoir des États (démocratique ou dictatorial, qu’importe) une puissance mondiale de structuration des sociétés par monopoles, algorithmes souterrains, partages de contenus fondés sur le réflexe du perroquet, vitesse de réitération des opinions, consommation impulsive grâce au crédit immédiat, vente de données à des fins commerciales ou politiques… L’essentiel vient de l’illusion de décider (micro décisions) sur un échiquier comportemental prédéfini, c’est comme entrer dans un grand centre de programmation.

Nous y reviendrons, car c’est sans doute la plus grande attaque contre les démocraties chancelantes. Elle prépare le terrain pour les démolisseurs de démocratie tels Trump et tant d’autres. Et nous avons les nôtres au Canada et au Québec.

La démocratie en danger (2)

Le fondement de la démocratie est forcément l’éducation à l’exercice de la liberté responsable dont une des dimensions est l’esprit critique. La valeur acquise par adaptation avec la nature est sans doute la réalité, sinon un ours imaginaire ou un ours réel sont équivalents, ce qui entraîne évidemment l’incapacité de survie dans la nature. La principale valeur acquise par adaptation sociale est sans doute la vérité, sinon le mensonge n’existe pas, alors, il est impossible de se fier aux autres, ce qui entraîne évidemment l’écroulement de la société. La liberté responsable n’a de sens que si la vérité et la réalité sont des valeurs pratiquées, c’est-à-dire des intuitions de la conscience ressentant les risques pour la survie et agissant pour les prévenir.

Michel Casavan

Les médias de l’information sont maintenant scindés en deux systèmes d’information disjoints : l’un cherchant à informer la population pour permettre la démocratie; l’autre cherchant explicitement à manipuler l’information pour ruiner les démocraties. Bref, les deux valeurs fondamentales (vérité et réalité) sont maintenant minées à la source. 

Le rejet d’une constitution démocratique par le Chili, la simple possibilité de l’élection de Bolsonaro en Brésil, la popularité de Trump aux États-Unis malgré l’évidence d’une tentative de coup d’État et ses attaques explicites contre les institutions démocratiques, le maintien d’Erdogan en Turquie malgré les emprisonnements et les assassinats de journalistes, la dictature de Bachar el-Assad en Syrie qui persiste par la torture et le meurtre, etc., dans tous les cas, on voit bien qu’une partie significative des populations est à ce point manipulable, qu’il est facile de la séquestrer dans un système parallèle fondé sur le mépris de la réalité et de la vérité. 

La démocratie est loin d’être acquise, ce n’est qu’une tentative très récente et très fragile pour favoriser la paix interne d’un pays en tentant de limiter l’exclusion des pauvres des pouvoirs économiques, politiques et médiatiques. Leur mise à l’écart mène toujours aux révolutions violentes et aux guerres civiles. Pas de paix sans justice. L’avancée du web devait aider les démocraties, sa prise de contrôle par les mégamonopoles d’algorithmes (les GAFAM) visant la manipulation des populations (exemple parmi d’autres : Facebook) a permis à Trump aux États-Unis et à d’autres ailleurs de séquestrer cette partie de la population pour l’utiliser à fin de déstabilisation les démocraties chancelantes pour prendre le pouvoir.

Néanmoins je reste confiant, car si la vie a misé sur la conscience, elle en reste la gardienne. Elle a tellement misé sur la conscience qu’elle va se charger elle-même de rendre impossible la survie des désadaptations à la nature et à la vie sociale. Néanmoins il est bien préférable de prendre les devants. Par exemple : attaquer l’inflation par sa cause principale, les profits sans plafond.

Gorbatchev n’est plus, il nous en faut un autre 

Dans les années 1990, Michaïl Gorbatchev cherchait à sauver l’URSS de la faillite par des traités économiques et de désarmement avec l’Europe et les États-Unis. Ronald Reagan en a profité pour le faire danser, le mettre à genoux juste pour le plaisir d’amuser son électorat. L’URSS s’est disloquée au grand plaisir d’une certaine Amérique qui en a abusé sans la moindre honte. Durant ce même temps, la Chine ouvrait son marché aux investisseurs étrangers et partait à la conquête économique du monde avec son immense bassin de petits salariés. Aussi bien dire que le capitalisme perdait toute opposition et devenait le modèle unique. Mais quel « capitalisme »?

Ce « capitalisme » est aussi loin des principes du libre marché que le communisme russe et chinois peut l’être des principes du communisme. En réalité, il n’y a, actuellement, qu’un seul système : le « capitalisme » des oligarques qui se développe à l’infini sans opposition. On dirait un rouleau compresseur écrasant la substance humaine et terrestre pour la convertir en énergie dévastatrice. 

Aujourd’hui, après la révolution industrielle et la révolution russe, on peut dire que ni le communisme ni le capitalisme n’ont vraiment existé. Partout, les multimilliardaires prennent le contrôle des armes, des banques et des médias. Ils capturent l’imaginaire populaire pour maîtriser totalement les démocraties aussi bien que les dictatures.

Dans ces conditions, comment redresser la « machine »? C’est la fuite en avant : s’il ne pleut pas, on cherche à voler la pluie qui irait tomber sur le pays voisin; s’il fait trop chaud pour respirer, on ajoute des climatiseurs; si les automobiles polluent trop par kilomètre de route, on les remplace par des voitures qui feront plus de kilomètres pour arriver au même résultat. Toujours des solutions qui grossissent le problème. 

Pourtant, le 21 janvier 1990, stimulée par la présence de Gorbatchev au Kremlin, la population ukrainienne a formé une chaîne humaine de 500 kilomètres reliant Kiev à Lvov, un chaîne souvent large de trois rangs : une protestation contre l’emprise des oligarques sur la vie de leur pays. Aujourd’hui, cette chaîne humaine devrait faire au moins quatre fois le tour de la terre. Nous devons reprendre la route de la justice. Il nous faut cesser de consacrer notre vie à élever au-dessus de nos têtes des milliardaires qui sont fous d’eux-mêmes. En réalité, malgré leur orgueil, ils ne font que jouer du système pour s’engloutir dans son absurdité. 

Mais il y a un Gorbatchev, encore plus visionnaire celui-là. En 1994, avec Maurice Strong (président du Sommet de la Terre), il a relancé le processus d’élaboration de la Charte de la Terre des Nations-Unies, en tant qu’initiative de la société civile. Cette charte est au fondement de notre ferme écologique Sageterre. 

C’est un héritage inestimable dont voici les principaux principes :

I. Respect et protection de la communauté des vivants

Respecter la Terre et toute forme de vie. Prendre soin de la communauté des êtres vivants avec compréhension, compassion et amour. Bâtir des sociétés démocratiques, justes, participatives et pacifiques. Préserver la richesse et la beauté de la Terre pour les générations présentes et futures.

II. Intégrité écologique

Protéger et rétablir l’intégrité des écosystèmes de la Terre. Empêcher les dommages causés à l’environnement. Adopter des modes de production et de consommation qui préservent les capacités régénératrices de la Terre, les droits de l’homme et le bien-être commun. 

III. Justice sociale et économique

Éradiquer la pauvreté économique, sociale et environnementale. S’assurer que les activités économiques et les institutions à tous les niveaux favorisent le développement humain. Affirmer l’égalité et l’équité des genres comme condition préalable au développement. Défendre le droit de tous les êtres humains, sans discrimination, à un environnement naturel et social favorisant la dignité humaine, la santé physique et le bien-être spirituel, en portant une attention particulière aux droits des peuples indigènes et des minorités.

IV. Démocratie, non-violence, et paix

Renforcer les institutions démocratiques à tous les niveaux. Intégrer au système d’éducation formelle et à la formation continue les connaissances, les valeurs et les compétences nécessaires à un mode de vie écologique. Promouvoir une culture de tolérance, de non-violence et de paix.