Dans son roman À quatre voix, Tagor (Prix Nobel) fait dire à un saint athée : « De même que le changeur fait tinter chaque pièce de monnaie pour l’éprouver, de même le monde [nous] éprouve […] À ceux qui valent quelque chose, il n’est pas permis de trouver la moindre ouverture par où s’échapper du devoir [de prendre soin des autres]. » Il écrit ailleurs : « Que seulement je fasse de ma vie une chose simple et droite, pareille à une flûte de roseau que tu puisses emplir de musique. » Pour cela, la flûte doit jouer le rôle de cordon ombilical entre la conscience et le monde. N’est-ce pas le rôle de la musique, et la flute n’est-elle pas douée de la forme qui l’annonce!
On doit se l’avouer, si on prenait au sérieux notre nombril, ce lien avec notre première maman qui se transforme en lien nourricier avec notre mère définitive la Terre, il vaudrait mieux rester nombriliste. Si on était vraiment nombriliste, on chanterait : La grande finalité de la nature, son chef d’œuvre, c’est nous. Et on s’assurerait de la santé de notre maman nature qui nous nourrit par le nombril à même…
Nous ne sommes pas nombrilistes, nous devons l’admettre, nous sommes simplement fous (fou = outre = hors de soi), incapables d’assumer nos devoirs vis-à-vis de nous-mêmes. Comme toute folie, il s’agit sans doute d’un mécanisme traumatique.
De quel traumatisme s’agit-il? La trahison par un autre ne produit généralement pas un traumatisme aussi fort que la trahison par soi-même. S’être trahi soi-même peut conduire au pire, car on ne peut pas se débarrasser du traître autrement qu’en s’autodétruisant.
Alors, comment rétablir la confiance en nous, la collectivité humaine, après tant de guerres sanglantes, de camps de la mort, de tortures, de commerces d’esclaves, de déforestation, de massacres d’animaux… Comment rétablir la confiance en nous-mêmes! Tel est le défi qui nous est lancé, à nous, qui voulons soigner l’être humain de sa folie.
Et tout écologiste qui est sensé ne peut pas imaginer que l’écosystème Terre retrouve son équilibre sans que nous retrouvions d’abord le nôtre. Sinon, toute technologie pensée pour aider sera retournée pour nuire.