L’inévitable guerre d’Ukraine

Un État totalitaire comme la Russie ne pouvait qu’attaquer un État voisin riche en ressources industrielles et naturelles, un État démocratique où les personnes sortent de la grisaille, se lèvent vigoureusement debout, refusent les crimes d’État, l’assassinat, la torture et l’arbitraire. Pour un État totalitaire, c’est une insupportable provocation, d’autant que ce vent de libération des consciences est déjà en fleur en Russie où des hommes et des femmes risquent leur vie pour s’opposer aux crimes d’État.

Peinture de Michel Casavant

Dans une allocution télévisée surprise, Vladimir Poutine annonce le 24 février 2022 le début de l’invasion de l’Ukraine. Volodymyr Zelensky demande aux citoyens de résister par tous les moyens. Les cartes sont jetées : la force brute contre le droit à la vie pour les consciences libres. En réalité, il ne s’agit pas tant de lutter pour la démocratie que pour le droit de vivre sans risquer à tout moment l’emprisonnement arbitraire, la torture, l’assassinat. Une motivation vitale.

À Bakhmach, des civils se sont placés devant un tank russe pour l’arrêter. À Sumy, un tank russe est en panne d’essence, un homme arrête sa voiture et lui offre gentiment de remorquer son char jusqu’en Russie! Ailleurs, un citoyen est photographié seul, les bras en croix, au milieu d’une colonne de blindés qui n’ose plus avancer. Le président ukrainien avait encouragé les gens à fabriquer des cocktails Molotov, une brasserie de Lviv remplit ses bouteilles d’essence plutôt que de bière et les bouche avec des mèches. Dans les environs de Koryukivka, des civils ont bloqué les camions de ravitaillement  russes. Une petite foule les a encerclés. À Berdiansk, un regroupement a bloqué la route aux chars et entonné l’hymne national en face du monument des combattants de la liberté. À Melitopol, une vidéo montre une personne apostrophant deux soldats russes : « Je suis aussi Russe que toi, lance l’homme, mais je vis ici. Vous venez d’ailleurs. N’avez-vous pas vos problèmes chez vous? »

La Russie a lancé son offensive avec au moins 150 000 soldats équipés de chars lourds et pourtant, la stratégie stalinienne d’intimidation n’a pas marché. Des personnes sont sorties et, d’un regard, ont transformé certains soldats en êtres soudain incapables de tuer. La stratégie russe consistait en un coup d’État, elle reçut l’insoumission. Il a fallu se retirer, reconstituer les forces et tenter de prendre l’Est déjà fortement colonisé, tout en terrorisant la population à coups de drones et de missiles.

Après deux ans de guerre : 18% du territoire ukrainien est occupé par la Russie. En février 2024, le président Volodymyr Zelensky a déclaré que 31 000 soldats ukrainiens ont été tués durant la guerre. Les pertes russes seraient d’environ 120 000 soldats tués et 170 000 blessés. Que faisons-nous face à ceux qui risquent leur vie pour le droit à la vie? L’Union européenne s’est engagée à plus de 144 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine, mais 77 milliards ont été affectés, 50 milliards seront livrés, dit-on, dans les prochains mois. Les États-Unis ont promis l’équivalent de 67 milliards d’euros, 42 milliards d’euros sont livrés. L’avancée russe est bloquée, mais la ligne de front qui couvre près de 1 000 kilomètres n’a pas beaucoup évolué la dernière année, elle est même actuellement en recul. C’est maintenant une guerre de position, de soldats tués, de missiles meurtriers sur les infrastructures, de propagande et d’usure. L’Ukraine a de meilleures armes, de meilleures stratégies et une bien plus grande motivation, mais la Russie peut sacrifier beaucoup d’hommes. Malgré quelques pertes sur le front, l’Ukraine a remporté plusieurs succès en mer Noire. Les frappes ukrainiennes sur les forces navales russes ont permis de rétablir le corridor céréalier afin de poursuivre l’exportation. Actuellement, les deux parties tentent de reconstituer leurs troupes.

Il n’y a jamais d’arbitre vis-à-vis des crimes de masse et la solidarité internationale fait défaut. Sous les ordres de Poutine, l’armée russe a attaqué des couloirs humanitaires, des hôpitaux, des écoles, des garderies, elle a utilisé des bombes thermobariques en zones urbaines, elle a assassiné des civils non armés, elle a torturé des personnes et violé de nombreuses femmes. Le mot « guerre » recouvre des saletés innommables qui ne sont pas symétriques : l’un viole le pays pour y installer le droit à la prison et à la torture, l’autre se défend, et plus loin on donne des armes pour lutter avec le sang des autres.

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