Totalitarisme russe

Si quelqu’un entretenait encore des illusions sur Benjamin Netanyahu et sa garde rapprochée, il n’en a plus. Et des sondages montrent qu’une majorité en Israël est toujours favorable aux frappes. Nous reviendrons sur ce genre de délire par résonance entre un chef et un peuple dans lequel un masque d’insensibilité et d’entêtement buté cachent une folie furieuse littéralement délirante. 

Je voudrais maintenant aborder le sujet d’un autre délire quelque peu similaire, celui de Vladimir Poutine et de sa garde rapprochée qui s’acharnent sur l’Ukraine tout en disant que c’est une partie de la Russie. Que se passe-t-il sous cet autre délire qui consiste à imaginer qu’on peut conquérir par des gestes affreux et repoussants ce qu’on n’arrive pas à conquérir par l’attraction de la paix et du bonheur de vivre?

Il nous faut relire l’histoire de la Russie, puis celle de l’Unkraine, alors peut-être verrons-nous l’obsession sous-jacente au délire.

Peinture de Michel Casavant

Entre l’an 800 et l’an 1200, les Varègues (Vikings de l’Est) construisaient Novgorod et Kiev. Les Varègues pillaient, un métier pratiqué un peu partout sur le continent, ce qui leur permettait d’entretenir de lucratifs comptoirs commerciaux jusqu’à Byzance. Les Petchenègues, eux aussi, pillaient. Ils s’installèrent sur le rivage de la mer Noire. Ils s’entendirent avec les Varègues par traités. En 1226, des Mongols, intraitables ceux-là, envahir les principautés de Russie. Ensuite, les Tatars réduisirent en cendre Kiev, Rostov et Moscou. Seule Novgorod résistait aux invasions. Plus tard, par guerres et traités, Moscou prit de la vigueur et vassalisa les principautés sur un immense territoire. C’est en 1547 que la Russie devient un Tsarat. Par traité, la Russie et la Chine développèrent entre eux le commerce. En Eurasie, la paix, n’est toujours qu’une trêve. Les trêves sont nécessaires lorsque les forces viennent à égalité. Durant les trêves, le commerce permet l’augmentation des forces. Le plus fort déclenchera la prochaine guerre. Le cycle banal de l’économie politique.

En 1682, Pierre le Grand monte sur le trône, entre en guerre et réussit à conquérir des débouchés sur la mer Baltique. Sur Novgorod, il fait construire Saint-Pétersbourg et se proclame empereur (du verbe emparer). L’Empire entreprend de nouvelles colonisations : l’Arménie et les pays avoisinants, ensuite il s’empare d’une partie de l’Empire perse, il vend l’Alaska aux États-Unis pour financer ses conquêtes. La Russie s’étend sur la Turquie, l’Allemagne, l’Ukraine, La Pologne… Elle finit même par gagner sur Napoléon, mais la Révolution française a semé son germe. Pendant la Première Guerre mondiale, l’Empire russe entre en guerre pour défendre son alliée, la Serbie, contre l’Allemagne et l’Empire d’Autriche-Hongrie. Elle subit de nombreuses défaites et se retire du conflit en 1917 afin de réprimer la révolution qui éclate en son sein. En 1918, le traité de Brest-Litvosk exige que la Russie abandonne un énorme territoire à l’Allemagne, dont l’Ukraine et la Biélorussie et lui verse 94 tonnes d’or. La grande humiliation. En 1917, la vie en Russie rime avec la misère et la famine, les ferments de la révolution. Le peuple se soulève contre le tsar, les soldats refusent de le défendre. Il abdique.

La guerre civile oppose les Rouges de Lénine, les Blancs tsaristes et les Verts démocrates ou anarchistes. La terreur est partout inimaginable. Les Rouges finissent par écraser les Blancs et les Verts en 1923. À la fin de la guerre, les bolcheviks de Lénine ont reconquis la grande majorité du territoire qui devient l’URSS. Lénine s’empare du pouvoir, se débarrasse de ses opposants, fait assassiner la famille du tsar, s’installe au Kremlin (où résidait le tsar), met en place la Tchéka (police semblable à celle du tsar) et gonfle les goulags de prisonniers politiques (comme le faisait le tsar). Il meurt en 1924. Staline prend le « trône » en1929 après avoir éliminé des opposants. Dès son arrivée, il augmente de beaucoup les stratégies de son prédécesseur (la grande purge, les tortures et les exécutions, les déportations de masse…).

En 1939, Staline signe avec Hitler un pacte secret de non-agression. Ce pacte définissait, entre autres, le départage de tous les pays entre l’URSS et l’Allemagne nazie. En 1941, l’Allemagne attaque l’Union soviétique. Après d’énormes pertes, l’armée rouge regagne le terrain perdu, et continue en prenant les pays d’Europe de l’Est et l’Allemagne jusqu’à Berlin. Parce que l’Allemagne nazie a perdu, toutes les horreurs qu’elle a perpétrées sont exposées à la vue de tous. Staline est vainqueur, avec la complicité des Alliés, ses crimes restent secrets. 

En 1946, alors que les anciennes grandes puissances européennes se sont écroulées, il ne reste plus que deux empires : l’URSS et les États-Unis. Les deux sont radicalement différents du point de vue idéologique. Les États-Unis s’entourent de tous leurs alliés pour former une alliance militaire, l’OTAN. L’URSS forme une alliance similaire avec les pays d’Europe de l’Est. Et c’est la course aux armements les plus monstrueux. L’équilibre de la terreur nucléaire.

En 1985, Gorbatchev prend le pouvoir. L’économie de l’URSS est à terre et nombre de pays du Pacte de Varsovie veulent leur indépendance. Gorbatchev tente une avancée vers la démocratie et une décentralisation de l’économie (en somme, une sortie du totalitarisme en prenant en considération l’existence d’individus). Nombre de populations le prennent au mot, c’est la chute du mur de Berlin et la réunification allemande (1990).

En 1991, l’Armée rouge tente de renverser le gouvernement de Gorbatchev. Le putsch échoue grâce à l’intervention de Boris Eltsine, alors président. La même année, 11 des 15 présidents des républiques autonomes soviétiques se rejoignent au Kazakhstan pour décider la dislocation de l’URSS en démocraties indépendantes. Les débuts de la Russie dépouillée de ses satellites furent marqués par une forte crise économique et la guerre contre les Tchétchènes. Eltsine démissionne et nomme Vladimir Poutine à la tête du pays. Il écrase la révolte Tchéchène dans le sang et la terreur. Il redresse l’économie en utilisant le pétrole et le gaz naturel comme ressource pour inféoder les anciens pays du Pacte de Varsovie et la plus grande partie possible de l’Europe.  Il reprend la Géorgie et annexe la Crimée. Il crée l’Union économique de l’Eurasie.

Bref, l’idée d’empire totalitaire reste l’éternel fond de la Russie qui n’a jamais vraiment connu autre chose. La « Grandeur nationale » se mesure à la grandeur de ce que l’on soumet : territoire, ressources, populations. Cela se fait par la plus petite idée qu’on peut avoir de la « Grandeur » (une idéologie) et par les armes. L’empire totalitaire est en soi l’idée d’une masse humaine désindividualisée et soudée derrière un seul surhomme hanté par cette « Grandeur ». Dans un tel empire totalitaire, toute idée d’existence d’un individu (un être qui refuse de se confondre avec la masse) doit être éradiquée. Il s’agit d’un combat de tous les jours.

2 réflexions sur “Totalitarisme russe

  1. La Russie m’a toujours fasciné. Dans mon roman L’Enfant salamandre, j’explique le sujet par la présence d’un oncle poète emprisonné sous Staline. C’est un prétexte pour décrire cette société dont tu expliques fort bien les origines. La dictature a toujours fait partie de leur sécurité et de leur malheur. Une tragédie insurmontable, sauf par soumission totale. Un homme fort et cruel pour garder la famille unie. Métaphore du père autoritaire qui domine pour étendre son pouvoir. Il semble que cela se trouve aujourd’hui dans les gènes du peuple russe, semés depuis des siècles. Ce qui explique la pouvoir de Poutine et la peur de le renverser. Ce que cet homme a construit avec la complicité de la mafia et des nouveaux riches demeure pour certains une garantie économique, sans quoi un désordre pire que la dictature sanguinaire s’installera. La peur règne et profite aux élites russes. La guerre fait partie de leur économie et de l’image du pouvoir. Pensez-vous que l’américain Trump a des visées semblable ? Poser la question, au vu de ses déclarations, c’est y répondre. Merci Jean pour cet éclairage. Gérald Tremblay, écrivain de Saint-Léandre-de-Matane.

    jardin-de-givre@telues.net

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