L’État islamique

Dans un État islamique, la législation et les institutions sont assujetties au Coran et la charia préside à la justice. En Iran, le Coran est interprété à la façon chiite par un religieux (l’Ayatollah), le régime est théocratique. En Arabie saoudite, les oulémas jouent un rôle direct sur le gouvernement, ils disposent d’une police religieuse, mais la monarchie est civile. Au Pakistan, la charia n’est pas dans la constitution, mais définit le droit de la famille. L’Organisation de la Coopération islamique regroupe 57 États, la seule organisation confessionnelle dont les membres sont des États. Aussi on peut voir que dans la longue tradition musulmane, religion et État sont souvent intriqués comme ce fut le cas dans le Catholicisme. 

Les organisations islamistes djihadistes, elles, revendiquent le djihad (interprété non plus comme un combat intérieur pour conserver le lien avec le divin, mais comme le combat contre les infidèles). Le Hamas et le Hezbollah se justifient par la résistance contre l’occupation. Mais les factions de l’État islamique dont nous parlons ici visent l’établissement d’un califat (une autorité totalitaire) pour toute la planète. Ils sont responsables des attaques du 11 septembre 2001.

Pour eux, il n’y a qu’un seul Dieu qui définit explicitement le bien et le mal sans que la conscience personnelle n’entre en jeu. Le bien et le mal définis par la Charia avec leurs punitions codées sont applicables en tous lieux et en tout temps sans flexibilité et sur toute la terre. Tout le reste doit être combattu par tous les moyens, car les infidèles sont extérieurs à la miséricorde divine. La haine des infidèles est un devoir moral. Les pires violences sont permises : crucifixion, démembrement, bûcher, lapidation… Cependant, comme les textes sont loin d’être originaux, explicites et cohérents, comme les traditions sont diverses et contradictoires, comme la conscience personnelle ne doit pas intervenir, il faut bien qu’un seul chef dicte ce qu’il faut faire. Aussi les factions sont divisées selon les chefs, et la question est toujours : à qui faut-il faire allégeance? Il ne s’agit pas de savoir si c’est un bon ou un mauvais chef, mais s’il est le légitime successeur de Mahomet. Et cela se fait par autoproclamation du chef et par allégeance des chefs secondaires. Les factions de l’État islamique se sont un jour plus ou moins unies autour d’Abou Bakr al-Baghdadi.

La stratégie de l’État islamique pour imposer son califat consiste à renverser les pouvoirs nationaux. Elle peut se résumer ainsi : provoquer un déchaînement de terreur dans les pays qui se disent musulmans, mais ne sont pas conformes à la charia (selon eux). Sidérer la population, produire un chaos social, émietter la société pour arriver à l’anarchie ce qui va entraîner une violence horizontale entre les groupes d’opinion. Ces rébellions vont épuiser et disqualifier les structures étatiques au point d’engendrer une rupture de confiance vis-à-vis des « gouvernants corrompus ». Ensuite, saisir l’état de stupeur et d’anarchie pour apporter à la population des services sociaux et médicaux, la distribution de l’eau et de la nourriture, l’éducation coranique et surtout la sécurité d’un pouvoir totalitaire, prévisible, codifié et justifié par Dieu lui-même. L’information est le maître mot : la vérité est le Coran, il n’y a de mensonge que vis-à-vis de Dieu, mentir pour la vérité est non seulement légitime, mais la seule route possible pour arriver à l’islam (radical), c’est-à-dire la soumission et par cette soumission, atteindre la quiétude intérieure (l’élimination du doute) et politique (l’obéissance sans contestation).

L’État islamique profite de la révolution arabe en Syrie qui entraîne une répression sauvage et dégénère en guerre civile avec la dictature de Bachar-el-Assad. Ensuite, les États-Unis attaquent l’Irak. Stimulé par la haine qu’elle provoque, Al-Qaïda réussit à unifier cinq groupes djihadistes qui étaient divergents et à former le Conseil consultatif des moudjahidines d’Irak. Celui-ci proclame l’État islamique d’Irak. En 2012, il s’élargit et devient l’État islamique en Irak et au Levant, mais sa prétention est mondiale.

En 2014, il annonce le rétablissement du califat  dans les territoires qu’il contrôle indépendamment des frontières. Abou Bakr al-Baghdadi devient le calife et successeur de Mahomet sous le nom d’Ibrahim. Avec l’allégeance de nombreux groupes tels Boko Haram au Nigeria, Ansar Bait al-Maqdis en Égypte, Chabab al-Islam en Libye, son influence s’étend sur plusieurs pays. Il pénètre en Afghanistan où il lutte contre les talibans. Il mène des attentats jusqu’en Europe et en Amérique du Nord.

En 2014, une coalition internationale de vingt-deux pays menée par les États-Unis procède à une campagne de frappes aériennes contre l’EI. Il est aussi attaqué par les armées d’Irak, de Syrie et de Turquie, par les milices chiites d’Iran et d’autres milices, il perd nettement du terrain. Mossoul en Irak et Raqqa en Syrie tombent. Abou Bakr al-Baghdadi est assassiné en 2019, il est remplacé par Abou Ibrahim al-Hachemi al-Qourachi. L’organisation continue de commettre de nombreux actes terroristes. Il est présent partout actif ou en cellules dormantes : Afghanistan, Pakistan, Philippines, Somalie, Kenya, Tanzanie, Ouganda, Soudan, Égypte, bande de Gaza, Cachemire, Libye, Algérie, Tunisie, Nigeria, Mali, Mozambique, Russie, Ouzbékistan, Yémen…

On tue des gens, mais on ne tue pas une idéologie qui répond si bien à l’angoisse existentielle par des réponses simplistes et toutes faites. Seule l’éducation à l’exercice de la liberté responsable personnelle et collective peut y arriver. Mais comment l’instituer?

5 réflexions sur “L’État islamique

  1. Comment l’éducation à la liberté personnelle et collective peut-elle s’exercer lorsqu’une seule vision peut provoquer l’indignation ?

    Boris Cyrulnik qui a connu l’extermination de toute sa famille, se dit stupéfait que la Charte du Hamas ne provoque aucune indignation!

    Cette charte stipule clairement qu’une femme participe à la guerre, lorsqu’elle met au monde des fils et lorsqu’elle leur apprend la foi et à manier les armes pour tuer les Juifs!!!

    Quand l’altérité de l’autre disparait et qu’une seule vision domine, ne sommes-nous pas tous loin de la liberté personnelle et collective ?

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  2. ISLAMISME – DROITE ÉVANGÉLIQUE AMÉRICAINE – COMPLOTISTES = meme absolutisme
    Vous écrivez  «Seule l’éducation à l’exercice de la liberté responsable personnelle et collective peut y arriver» Je suis entierement d’accord avec vous
    Mais on pourrait juste écrire  «Seule l’éducation» pourra y arriver ..Apprendre l,HISTOIRE Apprendre la PHILOSOPHIE

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