L’expansion chinoise

Notre réflexion sur la Chine se fera en trois temps : l’expansion chinoise, son histoire traumatique, et son mouvement prodémocratique. 

L’expansion chinoise n’a rien d’original, elle ressemble à celle des États-Unis avec quelques différences. La première, c’est que pour la Chine, il s’agit d’un début; aux États-Unis, cela commence à ressembler à une fin. La deuxième différence, c’est que la Chine a subi les traumatismes d’une colonisation particulièrement déchirante sur laquelle nous reviendrons. Oui, la Chine tente, à sa manière, de devenir une puissance incontournable, aussi colonialiste que les pays qui l’ont colonisée jadis.

L’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) publie un rapport de 650 pages sur l’influence de la Chine dans le monde (octobre 2021)[1]. Le quartier général des opérations d’influence chinoise est basé à Fuzhou dans le sud du pays. Il mène des opérations via des stations de radiotélédiffusion, des maisons d’édition, des universités, etc., distribuées un peu partout dans le monde. Deux millions de citoyens payés à temps plein et 20 millions à temps partiel y participent.

Quelques exemples d’opérations : une vaste entreprise de désinformation pour accuser les États-Unis d’avoir causé la pandémie, de nombreuses attaques de désinformation contre Taïwan… Le Canada et la Suède servent de point d’ancrage parce qu’ils sont des portes d’entrée pour l’Arctique, l’Europe, les États-Unis et leurs secteurs technologiques aident à relancer sans cesse l’endoctrinement. En Nouvelle-Calédonie, la désinformation vise à rattacher le territoire à la zone d’influence chinoise dans le Pacifique afin de profiter de ses ressources en nickel. En France, la Chine utilise l’édition de La Route de la Soie, la fondation Prospective et Innovation de Jean-Pierre Raffarin, les Instituts Confucius, les universités par l’intermédiaire de stagiaires postdoc et par des protocoles d’échanges de technologies. On pourrait multiplier les exemples à l’infini.

La stratégie utilisée face à l’Occident est d’abord la séduction, ensuite le chantage, puis l’agression lorsque nécessaire. Il s’agit autant de salir l’image des démocraties en Chine que d’embellir l’image de la République populaire de Chine dans le monde. La Chine, le modèle idéal.

En Afrique, de grands investissements chinois ont permis la construction d’au moins 186 bâtiments gouvernementaux d’importance et de 24 palais présidentiels. On en retrouve en Namibie, en Angola, au Ghana, en Ouganda et ailleurs. S’ajoutent 14 réseaux de télécommunications d’État. Même le siège de l’Union africaine à Addis Abeba est de construction chinoise. Tous sont probablement truffés de micros et de systèmes d’espionnage sophistiqués.

Aux États-Unis, c’est Hollywood qui devient le centre d’influence. La Chine rachète de prestigieux studios, expurge les films de certains éléments défavorables à l’image de la Chine et affaiblit l’image américaine de façon à montrer sa décadence. En 2012, le groupe chinois Wanda rachète la chaîne de cinéma AMC pour 2,6 milliards de dollars. En 2016, le même groupe devient propriétaire des studios Legendary Pictures, Batman, Interstellar et Warcraft pour 3,5 milliards de dollars, et en 2017 c’est Paramount qui est acheté pour 1 milliard de dollars. Le groupe chinois ne se contente pas de produire des films, il impose des modifications de scénarios. Pour être produit, il ne faut pas froisser Pékin sur le Tibet, Taiwan, Hong Kong ou les Ouïgours. Il y a des coupes sur des scènes de nudité, la consommation de drogue en Chine, les personnages chinois ne doivent jamais jouer les « méchants ». C’est la société américaine qui doit paraître dévoyée.

La Chine avance aussi par des moyens plus matériels, par exemple, le projet pharaonique de la nouvelle route de la soie, un complexe de routes terrestres, maritimes, ferroviaires, liant la Chine, l’Europe et l’Afrique en passant par le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la République de Djibouti et un ensemble impressionnant de pays africains. Le projet englobe 68 pays, veut rejoindre 4,4 milliards d’habitants et 40 % du PIB mondial.

Plus offensive encore est L’Organisation de coopération de Shanghai instituée en 2001 par la Chine et la Russie, comprenant le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, l’Inde, le Pakistan, l’Iran et des observateurs comme la Turquie. Elle veut assurer la sécurité collective et la stabilité économique dans son immense espace face aux menaces occidentales et aux menaces internes du terrorisme, de l’extrémisme religieux et des tendances séparatistes. Elle marque l’arrêt de l’hégémonie américaine, la nouvelle géopolitique qui tend à polariser les tendances dictatoriales vis-à-vis des fragiles démocraties.


[1] https://www.irsem.fr/rapport.html

2 réflexions sur “L’expansion chinoise

  1. J’ai vécu quelques années dans le petit village de Chancay au Pérou. Petit village sur la côte du Pacifique à environ 80 km au nord de la capitale Lima. Le village comptait environ 30 milles habitants. En novembre de cette année 2024, les chinois vont inaugurer, à Chancay, le plus grand port de toute l’Amérique du sud. Une construction gigantesque. Voir sur Internet. Ils ont même déplacé une montagne pour faire la partie enfouie dans l’océan. Aussi, ils comptent relier ce port de Chancay aux autres pays de l’Amérique du Sud. Ce port sera relié directement à la Chine par l’océan Pacifique. Pendant la pandémie de Covid-19, le Pérou a reçu des vaccins chinois. Mais surtout, tous les péruviens ont un cellulaire made in china, car le prix est ridiculement bas. Même le plus pauvre des pauvres peut se payer un cellulaire incluant le service mensuel. Anne-Marie Bédard

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire