Le WEB et la démocratie

Mai Khoi est une musicienne engagée, qui milite en faveur de la démocratie au Vietnam où la dissidence n’est pas tolérée. Elle s’est exprimée sur les questions de sexualité, sur les violences faites aux femmes, sur le droit de dire son point de vue sans se faire tuer. Elle a manifesté contre la venue de Donald Trump dans son pays. Elle est harcelée par les autorités vietnamiennes. Elle a été expulsée de chez elle, surveillée, intimidée, placée en détention arbitraire. Des descentes ont eu lieu dans les salles où elle donnait des concerts. Au Vietnam, vous ne pouvez pas chanter et jouer de la guitare dans la rue, organiser des petits spectacles improvisés, parler à un ami sans risquer de vous faire dénoncer. En 2016, elle était candidate indépendante à l’Assemblée nationale occupée entièrement par le parti communiste. Évidemment, sa candidature a été rejetée. Ses publications sur les réseaux sociaux concernent surtout la musique, mais elle en profite pour dire ce qu’elle pense. Elle voudrait avoir le droit de parler sans se mettre en danger d’emprisonnement, de viol et de torture.

Peinture de Michel Casavant

Elle est un exemple parmi tant d’autres où les médias sociaux prêtent leur pouvoir de communication à des voix dissidentes. Mais Mai Khoi n’a pas besoin des algorithmes qui, au fond, l’isolent, ni d’être noyée ou récupérée par les géants de la publicité.  Le WEB pourrait très bien vivre hors du contrôle des empires médiatiques qui le manipulent. Sur un système routier, il peut arriver des actes criminels, des conducteurs dangereux, la police n’est pas omniprésente, mais on ne laissera pas trois ou quatre entreprises dérouter les gens par l’omniprésence de publicitaires et de fausses informations dans les sorties d’autoroute. Nous avons laissé le Web aux seigneurs de la publicité. Impossible de voyager sans se faire détourner, arnaquer, conditionner à acheter, isoler dans des bulles de propagande, piéger dans des scénarios délirants. 

Toujours la même question, qui pourrait être l’instance de décision capable de nous redonner le Web. Si c’est l’État, comment garantir qu’il ne fasse pas comme dans les dictatures, utiliser le Web pour contrôler l’opinion publique? Ensuite, comment un État national pourrait-il contrôler des entreprises internationales? Si ce sont les Nations Unies, par quels moyens? Comment éviter la dictature des dictatures? 

La lutte pour la démocratie et contre les dictatures était la plus grande espérance du WEB. S’il y a actuellement un ennemi de la démocratie, c’est l’impossibilité d’informer une partie de plus en plus importante de la population parce qu’elle est prisonnière de scénarios délirants minutieusement construits pour polariser, radicaliser et orienter la haine.